Macbeth, sortie le 18 novembre 2015
Un film de Justin Kurzel avec Michael Fassbender, Marion Cotillard, Paddy Considine, David Thewlis, Sean Harris, Jack Reynor.
Bande-annonce :
Synopsis :
« 11ème siècle : Ecosse. Macbeth, chef des armées, sort victorieux de la guerre qui fait rage dans tout le pays. Sur son chemin, trois sorcières lui prédisent qu’il deviendra roi. Comme envoûtés par la prophétie, Macbeth et son épouse montent alors un plan machiavélique pour régner sur le trône, jusqu’à en perdre la raison. »
Mon avis :
Avec le film Macbeth, l’australien Justin Kurzel, s’attaque à une des tragédies les plus poignantes du répertoire Shakespearien, celle qui glace le sang, représentant le personnage tragique par excellence, en proie à un destin immuable, tentant de lutter en vain, contribuant ainsi ironiquement à sa perte. Adaptation fidèle de la pièce shakespearienne, le film représente pourtant dès le début un élément qui n’est seulement suggéré vaguement dans la pièce et qui semble expliquer l’état d’esprit du personnage. Les scènes de batailles qui s’ensuivent – décrites seulement oralement dans la pièce, mais prenant vie au cinéma – sont intenses et instaurent le thème qui régit tout le récit, l’ambition, mais il n’y a pas que cela; une ombre rôde toujours dans les pénombres. Matérialisée par la présence des sorcières qui surgissent du brouillard, elles vont tenter Macbeth, même si leur aspect est atténué dans le film, alors qu’elles sont réellement maléfiques par leurs actes dans la pièce.
Le rythme pourra ennuyer certains, notamment lors de longs monologues qui pontuent la pièce, mais ceux-là ne peuvent apprécier l’art shakespearien, fidèlement respecté ici. En effet, le vers, avec son pentamètre ïambique qui mime les battements du coeur, prend vie au cinéma. Cela a d’autant plus d’importance lorsque l’on sait que le langage est au coeur du récit, révélant les sentiments et les secrets les plus intimes des personnages, mais constituent aussi le moteur de l’action tragique, prouvant qu’il faut aller au-delà des apparences dans Macbeth. Le général écossais dont la faute tragique, l’hubris, serait de se laisser emporter par l’ambition, prouve qu’en réalité le pouvoir ne suffit pas si la menace est omniprésente (« To be thus is nothing but to be safely thus », « Être sur le trône n’est rien ; il faut y être en sûreté » annonce Macbeth). Tentant d’éradiquer cette dernière, Macbeth se lance sur une voie sanglante, qui ne s’arrêtera jamais.
Une certaine sobriété accompagne le discours qui pourtant ne l’est pas, délivré par un excellent Michael Fassbender (Fish Tank, Inglorious Bastards, X-Men, Prometheus, Jane Eyre), impressionnant par la puissance qu’il infuse au personnage, fidèle à ce personnage d’exception qui se démarque par sa bravoure au combat, qui atteint la grandeur par son statut, qui chute par ses actes et qui sombre enfin dans la folie, matérialisée au départ par l’apparition de fantômes. Une tension se créée et on partage l’angoisse du personnage, comme lui on espère, malgré l’ironie tragique présente d’emblée, et c’est bien là le propre d’une tragédie réussie. Marion Cotillard impressionne également, maîtrisant l’anglais shakespearien (il faut voir le film en VO) et incarnant parfaitement le rôle de Lady Macbeth, celle qui murmure à l’oreille de son mari, jouant de sa fierté masculine, pour le pousser à commettre l’irréparable : « What’s done is done », « Ce qui est fait est fait », dit-elle, tentant de mettre fin au série d’événements qui ne font que recommencer. Épouse aimante et manipulatrice, douce et diabolique, forte et vulnérable, Lady Macbeth est pourtant un personnage ambigu, qu’il est difficile d’interpréter.
Le spectateur partage ainsi l’angoisse du couple, alors que les personnages secondaires ont tendance à ne pas trop s’imposer. La trame tragique est accompagnée d’une photographie sublime, de décors cauchemardesques (réels en Angleterre et en Écosse), dans un univers médiéval froid, conservant son aspect mythique et représentatif d’un certain anthropomorphisme. Connaissant la pièce par coeur, j’envisageais malgré tout la succession des événements avec impatience et malgré tout avec crainte. Le film exalte, comme la pièce, toute la puissance tragique du récit de cet homme, qui atteint la puissance, mais qui chute, tout en conserveur une grandeur.
Cinéma / musique, Loisirs | 2 commentaires |
Alexandra
Merci pour ce bel article. J’aime beaucoup le fait que tu ais pu relier le film à l’oeuvre originale, ce qui n’est pas donné à tout le monde 🙂
Aicha
De rien. Oui, j’imagine, c’est une si belle pièce pourtant. En France, c’est vrai que c’est inhabituel, mais dans le monde anglo-saxon, Macbeth figure souvent dans le programme scolaire.